23
juillet 1891 : Arthur Rimbaud revient à Charleville chez
sa mère. Amputé d'une jambe, il est à l'agonie
et c'est sa sur Isabelle qui couche ses impressions dans
un journal intime fictif, prétexte au roman de Philippe
Besson.
Rimbaud revient à l'endroit qu'il a toujours voulu fuir,
d'abord pour écrire puis pour faire fortune en Afrique.
Isabelle le soigne et se fait violence pour occulter les horreurs
qu'Arthur ne cesse de lui raconter et que ses chastes oreilles
de " vieille fille " ne sauraient entendre s'il n'était
pas condamné. Leur mère est présente, mais
impitoyable, indéchiffrable, alors qu'elle est probablement
l'une des clés de l'existence brisée d'Arthur.
Au bout de trente jours, il redescend à Marseille avec
l'idée de repartir en Afrique retrouver la vie et le
dernier amour qu'il a laissé là-bas un jeune homme
dénommé Djami. Il y mourra dans des souffrances
inouïes, mais croyant encore embarquer le lendemain.
Dans
ce huis-clos entre un frère et une sur qui ne peuvent
pas se comprendre tant la distance entre leurs vie est disproportionnée
: Arthur est athée, homosexuel, drogué, Isabelle,
pieuse, vierge, travailleuse, le courant passe pourtant. Car
Isabelle pressent que son frère est un génie,
mais qu'en même temps il ne peut " entrer souillé
dans l'histoire ". De son côté Arthur sait
confusément qu'il va mourir même s'il lutte jusqu'au
bout pour fuir à nouveau.
Philippe Besson s'est glissé dans le personnage d'Isabelle
pour affronter Rimbaud du côté de l'intime et non
du poète. Il parle à peine de sa poésie
puisqu'elle même n'en savait presque rien, mais ce qu'il
en dit suffit à faire revivre le génie de Rimbaud
avec la grâce et la retenue, qu'on lui connaissait dans
ses précédents romans.
De la même façon qu'il éclaire, en ne parlant
que des six derniers mois du poète, sa vie entière
faite de mystères, relevant de l'indicible, car bien
décidé à comprendre Arthur Rimbaud qui
le fascine depuis toujours, il a réussi par petites touches,
à travers des non-dits, des hypothèses à
peine esquissées, à pressentir, avancer dans la
connaissance du personnage. Donner un visage humain à
un mythe adoré ou détesté dans un roman
ayant la grâce.
Brigit Bontour
|